J.T. SACONNEY
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Saconney et le mouvement cerf-voliste.

Il est bizarre que Saconney doive de nos jours l’essentiel de sa renommé au cerf-volant puisque ce dernier ne fut en somme que l’une de ses activités et celle qui a eu le moins de conséquences.

Le mouvement cerf-voliste prend naissance vers 1900 grâce à J. Lecornu et au retentissement d’expériences surtout anglo-saxonnes. Des jeunes gens attirés par les cerfs-volants se regroupent. La nature du plaisir qu’il recherchent n’est pas clair, on peut dire qu’ils sont en quête tout à la fois de sport, de rêve, de modernité, d’aventure, de technique et très peu d’art. Ils peuvent évoquer le jeu, mais ils expliquent longuement qu’il ne faut pas confondre leur activité avec un jeu d’enfant. Ce reniement du jouet va jusqu’à interdire les cerfs-volants à queue dans les concours (Boulogne en 1914) et à baptiser « planeurs captifs » (Pantenier et Frantzen) des appareils qui étaient bien des cerfs-volants. De nos jours, certains des descendants de ces cerfs-volistes honteux font du »kite » ou du « kiting ».

Saconney est l’homme idéal dont ont besoin ces amateurs. D’abord il partage avec eux le goût des cerfs-volants (sa marotte, dira un de ses subalternes) et surtout il a des connaissances scientifiques étendues, qu’il sait transmettre avec une grande clarté. De plus, son statut social cautionne et valorise l’activité cerf-voliste. En somme, pour Saconney, le cerf-volant est un outil qui monte dans le ciel comme le ballon ou l’avion, sans hiérarchisation. Cette vision sans complexe du cerf-volant par un officier brillant anoblit l’activité des cerfs-volistes. Aucune source n’indique que l’institution militaire ait organisé le noyautage du cerfvolisme civil, mais à l’évidence, elle a laissé Saconney y occuper une position éminente.

En 1908, Georges Houard, un gamin de 15 ans, publie « l’Echo du cerf-volant », une feuille polycopié à environ 30 exemplaires. En août 1909, toujours avec Houard, devenu rédacteur en chef , paraît « le Cerf-volant », une belle revue d’une douzaine de pages avec photos dont les quatre principaux rédacteurs nommés en couverture sont tous militaires ( capitaine Bois, capitaine Saconney, commandant Dollfus, commandant Brossard de Corbigny). Avec un changement de titre, la revue paraît jusqu’en juillet 1914. Il y a en tout 61 numéros. Très rapidement, des lecteurs écrivent et occupent les pages, mais Saconney est jusqu’au bout l’un des principaux rédacteurs et ses articles sont constamment de qualité. Toutefois, leur didactisme est parfois mêlé à de légères remontrances envers des lecteurs qui l’ont mal compris.

Ainsi la fonction scientifique ou ludique du cerf-volant s’atténue en partie pour être remplacée peu à peu par la fonction militaire d’observation. Le ministre de la guerre encourage le mouvement (décret du 6 octobre 1911) en accordant un terrain d’exercices aux cerfs-volistes à Issy-les-Moulineaux. Il fera de même à Vincennes pendant la guerre. En 1913, il prête au Groupe Aéronautique de Paris-Est du matériel d’ascension de Saconney. Ce groupe à l’organisation paramilitaire est conseillé par Saconney. Haeberlin, son chef, écrit en mars 1913 « Saconney espérait voir se former un groupe de préparation à l’emploi des cerfs-volants militaires qui aurait fourni chaque année un certain nombre de jeunes soldats rompus aux manœuvres et connaissant à fond leur métier. »

Fin 1913, la Ligue Stéphanoise du cerf-volant se transforme en société de préparation à l’aéronautique militaire sous le nom de Drago Club de la Loire (encore une fois on évite le mot cerf-volant)).Finalement, de nombreux cerfs-volistes iront pendant la guerre dans les sections de cerf-volant des compagnies d’aérostation. Certains iront aussi dans l’aviation.

Avant 1914,l’influence de Saconney a été bénéfique pour la vitalité du cerfvolisme français. On comptait vers 1910 25 clubs et environ 700 cerfs-volistes actifs ;

Hélas, s’il a approfondi et rationalisé les découvertes d’autres hommes, Saconney comme cerf-voliste n’était pas un inventeur. Il a choisi un cerf-volant, le Cody, qui est devenu l’unique et inamovible référence pour l’armée. Les innovations ont été négligées et des cerfs-volistes imaginatifs ont eu l’amertume de voir leurs travaux désavoués. De là vient peut-être la désaffection des cerfs-volants en France, notamment des cerfs-volants de barrage et météorologiques après la guerre. Aux USA, en Angleterre et en Allemagne ils seront encore utilisés une à deux décennies.

Saconney lui-même était conscient des progrès à faire puisqu’en juillet 14, il regrette que la connaissance du fonctionnement des cerfs-volants ne soit qu’ébauchée et il compte entreprendre des essais à Trappes pour établir « une théorie définitive » du cerf-volant en vol. La guerre anéantit le projet. Saconney néanmoins garde longtemps au fond de lui sa marotte puisqu’en 1931, à 57 ans, il fait parti du comité de patronage du Club cerf-voliste de France dont l’un des objets est de faire des ascensions humaines. Hélas, la mode est passée et le club disparaît rapidement.