Par Pierre
MAZIERES : Marc PUJO ( 1871-1956).
( Ce chapître reprend
l'article paru dans Le Nouveau Cervoliste Belge
en janvier 2004.)
Sa vie : l'enfance
Marc Donnel Pujo naît le 29 octobre 1871 à Guibonnet
sur la commune de Saint Ciers de Canesse à environ
25 km au nord de Bordeaux sur la rive droite de la Gironde.
Son père Bernard Donnel Pujo est médecin et
possède des terres. Sa mère, Anne Hélène
Grenier, est sans profession. L’enfant fréquente
l’école primaire à Berson, puis l’enseignement
secondaire dans une pension religieuse à Saint André
de Cubzac. Il est ensuite étudiant à Bordeaux,
où il entre en Mathématiques Spéciales
dans l’espoir de devenir ingénieur de l’Ecole
Centrale. Une forte myopie empêche son intégration
dans cette école de même qu’elle l’écartera
du service militaire actif. Il obtient alors une licence de
science à la faculté de Bordeaux.
Marc Pujo a alors 21 ans, l’aisance financière
de sa famille le protège des soucis matériels
et il peut librement jouir de ses multiples dons. Le foisonnement
artistique, technique et scientifique de cette période
d’une vingtaine d’année à cheval
sur 1900 est fastueux pour les hommes libres de leur temps
et curieux. Après coup, en 1919, ces hommes-là
parleront avec nostalgie de la « belle époque
».
Paris et la peinture
Marc entreprend alors sérieusement l’apprentissage
de la peinture. D’abord aux Beaux-Arts de Bordeaux,
puis vers 1895 à Paris à l’Académie
Julien et aux Beaux-Arts en 1897. Il compte parmi les derniers
élèves de Gustave Moreau qui eut également
comme autres élèves Matisse, Rouault et Serusier.
Les tableaux de Pujo n’ont pas la radieuse modernité
de ces peintres de génie, mais expriment du talent
dans une veine plus classique. Le perfectionnisme de Marc
Pujo et la conscience de ses limites lui font abandonner la
peinture au bout de quelques années. En 1897 l’étudiant
en peinture épouse une cousine lointaine. Ils ont une
fille et demeurent à Paris jusqu’en 1900.
Le travail et la famille
Après ces 5 années de vie parisienne, le couple
doit revenir à St. Ciers pour faire fructifier les
vignes familiales du domaine des Ardouins dont le vin des
Côtes de Bourg se vend bien. La vie professionnelle
de Marc Pujo consiste à diriger l’exploitation
sur laquelle logent et travaillent quelques ouvriers agricoles.
Outre la vigne, quelques animaux, porcs et vaches , accroissent
les revenus. Ces activités lui laissent le temps de
se passionner pour les arts et les sciences et particulièrement
les cerfs-volants.
C’est pendant son séjour au concours de cerfs-volants
de Spa en Belgique en 1912 que Madeleine, son épouse,
décède de la tuberculose. Marc est durablement
affecté par la disparition de sa compagne à
laquelle une communauté de goût artistique l’unissait.
Il se remarie en 1913 avec Louise Humblot dont le père
est propriétaire d’un domaine voisin. Deux garçons
naîtront de cette union, Pierre et Robert..
Les affaires prospèrent et quelques héritages
permettent d’acquérir des terres et d’aménager
en 1914 dans le château Boisset sur la commune de Berson.
Ce bâtiment avec tour, chapelle et douves date dans
ses origines au plus tard du XIIIe siècle. Le duc de
St. Simon en fut momentanément propriétaire.
Dans les dépendances se trouve un chai pour une centaine
de tonneaux de vin classé « Premier cru bourgeois
», que produisent les vignes.
La guerre
La guerre de 1914 affecte peu la vie de Marc Pujo. Il est
mobilisé dans le service auxiliaire et affecté
à la garde de prisonniers allemands à l’Ile
d’Oléron. De la fin 1916 à l’été
1917, il est appelé au Bureau Météorologique
Militaire de Trappes près de Paris pour faire valider
un cerf-volant construit selon sa méthode.
Des passions
Après la guerre et pendant plusieurs années,
Pujo construit des postes de T.S.F. ; d’abord à
galène, puis à lampes. C’est vraisemblablement
à Spa, où des cerfs-volants étaient utilisés
comme porte-antenne que Marc Pujo avait été
initié à cette technique nouvelle. Son engouement
diminue lorsque apparaissent des postes de radio dans le commerce.
A la fin des années vingt, toujours à l’essai
d’activités nouvelles, Marc Pujo pratique le
camping avec un beau-frère avocat. La Peugeot est aménagée
en camping-car et le précurseur parcourt Noirmoutier
et la vallée du Tarn à une époque ,avant
les congés payés de 1936, où les routes
et les plages ne devaient pas être encombrées.
Vers 1930, l’Esperanto tente de se populariser. Cette
nouvelle langue a été créée vers
la fin du XIXe siècle pour faciliter les relations
humaines. Marc Pujo s’associe au mouvement. Il écrit
quelques articles dans des revues espérantistes, traduit
des contes d’Andersen et entreprend même la traduction
de Madame Bovary de Flaubert. Il assiste en 1932 au Congrès
espérantiste de Pris, mais la belle tentative humaniste
de langue universelle cède devant la domination de
l’anglais.
Après la guerre 39-40 qui n’a pas d’effet
grave sur la famille, les terres du domaine sont mises en
fermage. Marc Pujo décède le 4 avril 1956 à
84 ans et repose dans son village natal auprès de sa
première épouse.
Une belle vie
Marc Pujo s’est trouvé, de naissance, à
l’abri des soucis financiers. Des dons variés
pour les sciences et les arts et une sagesse naturelle lui
ont permis de jouir des innovations de son temps. Dans chacune
d’elles, peinture, photo, cerf-volant, T.S.F., Espéranto
il a été au-delà d’une curiosité
superficielle et l’a pratiquée avec passion.
Dans le cas du cerf-volant ses réussites ont été
au niveau de celles des meilleurs pratiquants européens
de l’époque.
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