Les
ascensions en cerf-volant ( 1909 – 1917 )
Les
ascensions en cerf-volant sont, et de loin, l’activité
qui a le plus fait pour la renommé de Saconney. Selon
la tradition familiale, c’est lui qui demande à
prendre en charge cette activité et elle lui est effectivement
confiée en septembre 1909 par la Section Technique du
Génie. L’armée comptait ainsi pouvoir continuer
les observations aériennes lorsque le vent, supérieur
à 10 m/s, empêche l’ascension des ballons
montés. De plus, l’armée est désireuse
d’essayer un procédé qu’expérimentaient
depuis longtemps d’autres pays (capitaine Baden-Powell
en 1894 en Grande-Bretagne, lieutenant Wise en 1897 aux USA,
lieutenant Schreiber en 1902 en Russie et la Norvège
en 1909).
En France, le capitaine Madiot (lui aussi
passé par Polytechnique et Fontainebleau) a conçu
un cerf-volant de construction très originale et ascensionné
en 1908. Etrangement, ce travail n’a pas été
soutenu par l’armée et Madiot a œuvré
entièrement à ses frais. Un autre militaire,
le commandant Dollfus, organise un concours de cerf-volant
d’ascension humaine et le dote d’un prix de 10
000 F. En mai 1909, le trio Dollfus, Madiot et Saconney fait
le voyage en Angleterre dont l’armée a autorisé
une observation à distance des essais d’ascension
de Cody. Saconney, s’il a acquis une grande expérience
dans les cerfs-volants pour la photo, arrive bien en retard
pour ce qui concerne les ascensions. Cependant, en deux mois,
il conçoit un train de cerfs-volants, le fait construire
par la société Astra (spécialisée
dans la fabrication des ballons) et part l’essayer au
Portel dans le Pas-de-Calais, région venteuse à
souhait. Outre une équipe de sapeurs, il est accompagné
de son épouse Marie Louise munie de sa machine à
coudre pour effectuer les modifications à prévoir.
Cette intrication de la vie professionnelle et familiale,
du bricolage et de la recherche, du sport et de la technique
rend cette époque étrange et fascinante.
Malgré
quelques casses dues aux vents violents, les essais se déroulent
convenablement. Le 10 janvier 1910, jour des essais publics
devant la presse internationale, le vent est, hélas,
faible. Saconney, trop lourd, doit à contrecoeur, céder
la place dans la nacelle à Marie Louise enchantée.
Ainsi a-t-on vu partout la photo d’une jeune femme en
chapeau s’élever dans la nacelle d’un cerf-volant
militaire. Quelques officiers lui succèderont. Les
altitudes atteintes sont de 200 mètres avec passager
et de 600 mètres avec un lest de sable équivalent.
En mars 1910, l’armée doit choisir
un cerf-volant porteur. Les types de cerf-volant en course
sont les suivants : capitaine Doraud, capitaine Saconney,
capitaine Lenoir, capitaine Madiot et les modèles Hargrave
et Conyne. Au jour prévu, le vent est faible et aucune
ascension sérieuse ne peut être faite. Seul le
Madiot, selon un témoin, satisfait à peu près
aux essais. Néanmoins, c’est le train Saconney
qui est choisi. Le choix est peut-être guidé
par des considérations partisanes. Saconney est dans
le Génie et Madiot dans l’artillerie et ces deux
armes passent pour rivales. De plus, la hiérarchie
se serait déjugée en choisissant un autre cerf-volant
que celui dont elle avait financé la mise au point.
Houard, malgré sa sympathie pour Saconney, estimait
les deux cerfs-volants aussi nécessaires l’un
que l’autre, mais par des vents différents.
Le coût du train Saconney est de 4000
F ce qui est approximativement le montant de la solde annuelle
d’un capitaine. Madiot a vraisemblablement consacré
un an de sa solde à la mise au point de son train.
Sans que l’on sache s’il y a corrélation,
Madiot se tourne alors vers l’aviation dans les mois
suivants et se tue dans un accident sur Bréguet à
Douai en octobre 1910. Il est le deuxième aviateur
militaire français tué en avion.
Auparavant, en juillet, au meeting d’aviation
de Reims, Madiot s’était classé deuxième
derrière le train de Saconney monté par le lieutenant
Basset resté 42 minutes à 210 mètres
de hauteur. Le vent qui « faisait rage », apporte
au train de Saconney, très solide mais lourd, des conditions
plus favorables. Le vent empêche d’ailleurs les
avions de décoller ce qui montre que le cerf-volant
avait sa place dans les engins aériens. Le mois suivant,
le général Foch, futur maréchal mais
pas visionnaire, juge dédaigneusement « Tout
ça, c’est du sport, l’aviation pour l’armée,
c’est zéro ».
Ce n’est que le 29 mars 1912, qu’est
promulguée la loi constituant l’acte de naissance
de l’aviation militaire. L’article premier stipule
que « l’aéronautique militaire est chargée
de l’étude et de la mise en œuvre des engins
de navigation aérienne utilisables par l’armée
tels que ballons, avions, cerfs-volants ». Il faut noter
que si les cerfs-volants sont cités en dernier, les
ballons le sont avant les avions.
|