La Revue du Cerf-volant n° 22, Janvier
1914.
L'idée première de l'emploi
du cerf-volant comme engin d'ascension humaine remonte fort
loin, mais elle n'a été mise en pratique que
depuis une quinzaine d'années. Et encore les résultats
obtenus au moyen de cerfs-volants rectangulaires étaient-ils
médiocres.
En 1903, Cody, cow-boy du Texas, rapporte
un type de cerf-volant que signale La Vie au Grand Air (20
novembre 1903). Un dérivé de ce type de cerf-volant
mexicain est utilisé par le capitaine Saconney pour
des expériences de photo-aérienne dans l'escadre
de la Méditerranée en 1905. Ce cerf-volant a
des ailes déjà beaucoup plus courtes que le
prototype.
La
Revue du Génie publie à partir de février
1907 des articles relatifs à la photographie aérienne
en mer. Dans ces articles, le capitaine Saconney donne deux
types de cerfs-volants susceptibles de rendre des services
et dénomme l'un Cody en hommage à son importateur,
l'autre Lenoir en souvenir de la collaboration apportée
par cet officier aux premières études de photo-aérienne
de 1904-1905.
D'autre part, à la fin de 1906, la
revue La Nature avait appris au public les ascensions faites
par l'armée anglaise avec le concours de Cody dont
elle avait accepté les services. Les photographies
publiées à cette époque montrent simplement
la disposition du cerf-volant remorqueur et de la nacelle.
La question des cerfs-volants montés, posée
par une armée étrangère, se trouvait
presque résolue de l'autre côté de la
Manche tandis qu'en France rien n'existait.
C'est alors qu'en 1907, au début de
l'année, le capitaine Saconney fit une étude
complète de la question des cerfs-volants montés
à l'étranger ; dans cette étude, il donne
des détails du train russe, type Schreiber, sur lesquels
il avait trouvé au ministère de la marine des
renseignements complets ; il donne également des renseignements
sur le train anglais, dont il reconstitue les données
d'après les photos de La Nature, réorganisant
le train principal sur lequel n'existe aucun document. Il
procède par déduction, par intuition si l'on
peut dire, en s'appuyant sur ses propres expériences
en mer, se disant : ceci doit être disposé ainsi,
pour telles raisons ; et de fait l'ouvrage intitulé
Les Cerfs-Volants militaires reproduit presque exactement
le train anglais que l'auteur n'avait jamais vu.
Poursuivant ses recherches, le capitaine Saconney
fait, en 1908, six mois d'expériences à bord
de contre-torpilleurs. Il emploie et étudie des cerfs-volants
de tous types, notamment le type imaginé par le capitaine
Madiot et donne la préférence d'une manière
générale au type Cody. Toute l'étude
du gréement des trains de cerfs-volants est faite à
cette époque.
Ce n'est qu'en 1909 que le commandant Dollfus,
un des plus ardents partisans du cerf-volant monté,
qui a énormément contribué à son
adoption en France, le capitaine Saconney et le capitaine
Madiot allèrent en Angleterre pour voir le train militaire
de nos voisins. Les Anglais furent, comme à l'habitude,
fort courtois et très prudents ; ils épargnèrent
à leurs visiteurs des fatigues inutiles en ne les conduisant
qu'à 400 mètres du lieu d'expériences,
en les débarrassant de leurs longues-vues, jumelles
et appareils photographiques. De ce fait les officiers français
n'eurent pas grand-peine à rendre compte de ce qu'ils
avaient vu et s'en revinrent à peu près aussi
avancés qu'avant leur visite, il eurent seulement la
certitude de la réalité des ascensions, mais
ne purent saisir aucun détail de construction, ni d'arrimage.
Entre nous, c'était assez logique et
il serait à souhaiter que les Français montrent
la même courtoisie prudente vis-à-vis des trop
nombreux étrangers qui viennent leur faire des visites
plus intéressées qu'intéressantes.
Un rapport fut cependant adressé au
ministre qui, certain désormais de la possibilité
des ascensions, chargea le capitaine Saconney, alors à
la Section technique du génie, d'établir un
matériel en deux mois.
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