Samuel Franklin Cody
Cody voit dans le cerf-volant bien plus qu'un
passe-temps. En 1901, il fait breveter le cerf-volant qu'il
a dessiné et le propose au Ministère de la Guerre
sous le nom d'"Aeroplane" ou "War Kite".
Pour Cody, ce cerf-volant militaire constituerait l'observatoire
idéal pour repérer les positions de l'ennemi.
Il serait bien préférable au ballon captif dont
on connaît les limites depuis son utilisation par l'armée
anglaise pendant la guerre des Boers. Le ballon exige trop
de temps de préparation et n'a qu'une plage de vent
très réduite. Le cerf-volant est très
peu onéreux, rapide à lancer, et beaucoup moins
vulnérable car il n'offre à l'ennemi qu'une
cible minuscule. De plus, le pilote peut facilement informer
le sol par téléphone ou au moyen de messagers
descendant rapidement sur le câble.
Pour montrer l'efficacité de son système, Cody
va donc offrir à l'armée des vols de démonstration.
Durant un vol d'essai, il réussit à monter à
100 mètres, réalisant, selon lui, la plus haute
ascension humaine jamais faite sans l'utilisation du gaz.
Malencontreusement, son cerf-volant tombe au cours de l'expérience
mais lui-même s'en tire sans blessure. L'armée,
à l'issue des essais, ne se laisse pas convaincre :
Cody est desservi par son image d'amuseur et il n'est pas
encore l'heure pour lui d'être pris au sérieux.
La seule chose qu'on lui propose est un poste d'instructeur
de tir à Aldershot car les militaires ont, par contre,
été très impressionnés par ses
talents de tireur. Il a de la fierté et il refuse.
Cody a bien compris qu'il lui faut devenir
plus crédible pour le milieu scientifique de son époque.
Il s'y emploie en fournissant au moins un cerf-volant à
une expédition écossaise en Antarctique et en
réalisant toute une série de relevés
météorologiques au-dessus de la ville de Newcastle.
Lors d'une de ces ascensions, un relevé sera effectué
à une altitude de 12000 pieds. Ses efforts portent
ses fruits car il devient bientôt membre de la "Royal
Meteorological Society" et peut désormais côtoyer
les plus hautes personnalités civiles ou militaires
du milieu aéronautique.
Le cervoliste devient, à cette époque,
bien connu du public mais aussi de la police. A Blackpool,
celle-ci doit contenir la foule lorsque son train de sept
cerfs-volants s'en va flirter dangereusement avec la tour
de la ville. A Glasgow, la police lui reproche de troubler
l'ordre sur la voie publique lorsqu'il choisit comme terrain
d'envol le toit du théâtre Métropole...
Première phase d'essais pour la
Royal Navy
En février 1903, Cody écrit à l'Amirauté
pour lui proposer les services de son cerf-volant. Il pourrait,
assure-t-il, être des plus utiles pour la signalisation,
l'envoi de messages, le transport d'articles légers
d'un vaisseau à un autre, voire même la surveillance
et le repérage de sous-marins. Pour prouver ses dires,
Cody convie les officiers supérieurs de la Navy à
assister à des vols de démonstration. Ceux-ci
vont être jugés assez concluants car malgré
des vents relativement légers, Cody réalise
plusieurs ascensions humaines à des altitudes de 150
pieds.
Cody déclare alors qu'il souhaiterait prouver l'efficacité
de son système en mer et mettre son invention au service
de l'Amirauté. Vivant depuis douze ans en Angleterre,
il serait désireux d'être naturalisé et
de pouvoir travailler pour le gouvernement anglais dans le
domaine du cerf-volant. La Navy consent, pour l'instant, à
donner le feu vert à des essais sur l'île de
Whale et à bord de ses vaisseaux L'Excellent et le
Vernon.
Les
premiers tests sur l'île de Whale portent d'abord sur
la stabilité des cerfs-volants et la possibilité
d'élever des antennes télégraphiques
aériennes. Malgré le vent violent, la pluie
et les bourrasques, les War-kites de Cody se comportent pour
le mieux et dès le deuxième jour on monte une
antenne à une hauteur de 600 pieds. Les vols en mer
s'avèrent tout aussi satisfaisants. Le décollage
depuis un vaisseau ne semble pas poser de problème,
que ce dernier soit à l'ancre ou en train de naviguer
et les trains restent stables même lors des changements
de cap. Les rapports que reçoit l'amirauté sont
si favorables que le Prince Louis de Battenberg, directeur
de l'Intelligence Navale, recommande au gouvernement d'acheter
le brevet et d'employer Cody en tant que constructeur et instructeur
officiel.
Les essais d'ascension humaine vont, par contre, s'avérer
un peu plus mouvementés.
A la fin d'un vol à 500 pieds au-dessus de Whale Island,
un train de cerfs-volants est brusquement déséquilibré
par une saute de vent. La nacelle tombe mais atterrit avec
une relative douceur grâce à l'effet de parachute
du cerf-volant transporteur. Son occupant en sort indemne.
Un autre incident marque le début des essais en mer
depuis le navire remorqueur "Seahorse". Un train
que l'on vient de lancer est soudain rabattu par une bourrasque
juste avant de lancer le cerf-volant transporteur et son occupant.
Une rupture de bride du deuxième cerf-volant d'attelage
en serait la cause. Sans doute par mesure de prudence, remplace-t-on
pour les vols suivants le pilote par une lourde charge, en
loccurrence une bûche de 70 kg. Le jour suivant
les vents sont trop légers pour poursuivre les ascensions
humaines.
Cody
ne semble pas trop s'attacher à ces détails
car c'est le moment qu'il choisit pour chiffrer ses prétentions
: il ne réclame rien de moins que 25000 livres pour
céder son brevet, plus 1250 livres de salaire annuel
pendant une durée d'au moins cinq ans, période
à l'issue de laquelle 25000 livres supplémentaires
devront lui être versées. Ses prétentions
vont être jugées exorbitantes car elles représentent
à peu près les deux tiers du prix d'un contre-torpilleur.
Cody revoit sans doute ses prix à la baisse mais un
autre événement va mettre rapidement fin à
ces négociations : le Directeur des contrats de la
Royal Navy a demandé un examen du brevet de 1901. L'ingénieur
à qui on a confié cette tâche n'hésite
pas, malgré ses faibles connaissances en aéronautique,
à contester la validité du brevet. Pour lui,
le cerf-volant de Cody n'est pas un modèle vraiment
original et certaines de ses caractéristiques le rendent
trop peu pratique. L'Amirauté rejette donc les propositions
de Cody et ne lui offre que le remboursement de ses frais
et une modique somme de 100 livres pour les services accomplis.
Cependant, la Royal Navy ne coupe pas totalement les ponts
avec Cody car elle lui commande quatre trains de cerfs-volants
qu'elle mettra à la disposition de quatre de ses bateaux
de guerre.
En 1903, Cody, toujours en quête d'exploits
et de publicité, se fixe pour objectif de traverser
la Manche sur un canot traîné par un cerf-volant.
Ses premières tentatives dans le sens Douvres-Calais
ayant échoué, il renouvelle l'opération
depuis Calais et cette fois, le bon vent aidant, c'est le
triomphe.
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