Les cerfs-volants
météorologiques et la guerre.
Avec
la photographie, les ascensions humaines , le port d’antenne
TSF, la météorologie était une des fonctions
nobles du cerf-volant.
Dès avant la guerre, le capitaine Saconnay qui était
considéré en France comme le pape du cerf-volant,
s’était lié d’amitié avec
Marc Pujo. Ce polytechnicien considérait le cerf-volant
météo de Pujo comme le meilleur et il en avait
commandé pour l’armée que Pujo avait construits.
La fonction de ces appareils était soit d’élever
du matériel de mesure en altitude soit de mesurer la
vitesse et direction du vent en mesurant la traction du cerf-volant.
Pour les vents forts, Saconnay utilisait son propre cerf-volant,
celui de Pujo pour les vents moyens.
En 1913, lors de la 5e exposition de locomotion aérienne
au Grand Palais à Paris, un cerf-volant météorologique
Pujo est suspendu sous la voûte à côté
des avions de l’époque. Lors de la déclaration
de guerre en août 1914, les cerfs-volistes recrutés
sont affectés dans les compagnies d’aérostiers
créées par le capitaine Saconney. Leurs compétences
y seront généralement très faiblement
utilisées. Marc Pujo, âgé de 43 ans au
début de la guerre, est mobilisé dans les services
auxiliaires de la région bordelaise. Au cours du conflit
la météo prend de l’importance puisque
les vents influent fortement sur l’usage des gaz de
combat, des ballons, des avions et la trajectoire des obus.
Des pressions s’exercent alors dans l’armée
pour essayer les modèles de cerf-volant des différents
cerfs-volistes. Les prétendants sont peu nombreux,
il y a Frantzen, Nerlow, Pantenier et Pujo. Frantzen déçoit
avec ses rokakus équipés de cellules souples
et Nerlow présenté par Idrac voit son petit
cerf-volant adopté pour des mesures de vent à
basse altitude par l’artillerie. Restent Pantenier et
Pujo. Pujo est appelé au début de 1917 pour
environ 6 mois à Trappes près de Paris dans
l’ancien centre de météorologie dynamique
de Tesserenc de Bord occupé depuis la guerre par le
Service Géographique de l’armée qui a
en charge la météorologie. Il y retrouve Pantenier
qu’il avait déjà côtoyé à
Spa en 1912.
Le cerf-volant présenté par Pujo est un banal
cellulaire Hargrave avec des ailes, mais construit très
astucieusement pour résister aux vents forts. L’invention
consiste à rigidifier et régler la tension des
cellules par 4 croisillons en bambou disposés en diagonales
et travaillant en compression. Ce système remplace
celui universellement utilisé de raidissement des cellules
par des haubans en fil d’acier.
La comparaison des modèles de chacun des deux cerfs-volistes
donne d’ailleurs Pantenier meilleur pour les vents moyens,
mais Pujo l’emporte pour les vents forts jusqu’à
environ 80 km/h. A la fin de 1917, Pujo étant rentré
chez lui , ses cerfs-volants continuent à être
testés près de Lorient pour mesurer des vents
à 3000 m d’altitude à la demande de la
marine. En 1918, à Trappes, Pantenier continue de fabriquer
des cerfs-volants Pujo pour l’armée.
Après la guerre, Marc Pujo n’a plus pratiqué
le cerf-volant que très épisodiquement; sa passion
s’était éteinte et l’envahissement
des campagnes par les lignes électriques rendait l’activité
dangereuse.
Marc Pujo est l’un des quelques cerfs-volistes qui ont
le plus apporté à la technique du cerf-volant
. Son isolement à Berson ou peut-être un goût
élitiste pour le travail solitaire expliquent qu’il
n’ait pas pratiqué lui-même l’ascension
humaine qui nécessite une activité collective.
En revanche, dans les domaines de la météorologie
et de la photographie aérienne, il a excellé
dans ses entreprises.
Le plus fascinant chez lui est la rencontre merveilleuse de
l’art et de la technique. Certains de ses croquis de
cerfs-volants semblent même l’aboutissement d’une
recherche uniquement esthétique. En cela il est le
précurseur des cerfs-volistes modernes qui tentent
de faire œuvre d’artiste.
Sources et remerciements
Le cerf-volant 1909 – 1912
La revue du cerf-volant 1912 -1914
KAPWA Magazine volume 4 n° 1
Science et la Vie. Avril 1914 - juillet 1917.
Photo revue 1912
Service historique de la Marine (Vincennes)
Bibliothèque Météo France (Paris)
Je remercie Anne et Robert Pujo pour les nombreuses informations
qu’ils m’ont fournies et surtout l’amicale
hospitalité avec laquelle ils m’ont reçu
dans la maison forte du Boisset..
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