Joseph
Lecornu et la navigation aérienne
La
première expérience aérienne connue de
J. Lecornu a lieu à Saint Aubin/Mer lorsque, à
18 ans, il laisse partir au large un morceau de bois tiré
par un cerf-volant. Vers la même époque, il fait
une ascension en ballon comme passager et en 1883 il publie
un article intitulé « Considérations sur
l’aérostation au point de vue des études
astronomiques ».En 1887, il adhère à la
Société des Navigation Aérienne et dix
ans plus tard, il invente le cerf-volant étagère
qu’il expérimente à Cabourg-Plage. En
1900, il remporte à Vincennes le grand prix à
l’exposition universelle avec son multicellulaire, la
célèbre « gaufre de Lecornu ». En
1902, il publie »Les cerfs-volants ». Cet ouvrage
est le seul au monde à relater l’état
du cerf-volant en occident au début du XXe siècle
et avant l’irruption de l’aviation. Une version
augmentée paraît en 1910.
Son âge, ses études, son cerf-volant
et son livre placent Lecornu dans une situation primordiale,
qui lui fera écrire en 1913 « le vieux cerf-voliste
que je suis…ai conscience d’être pour quelque
chose dans le développement de cette branche cadette
de l’aviation ».
Des cerfs-volistes comme Pujo ou Saconnay
ont dit avoir débuté le cerf-volant grâce
à Lecornu dans les premières années du
siècle. Le multicellulaire est connu aux Etats-Unis,
utilisé pour la photographie aérienne par Goderus
et Desclée en Belgique. En Russie, il est utilisé
par Thiele pour établir des cartes d’après
des photos aériennes. Lecornu qui pratique lui aussi
la photo aérienne invente un système de suspension.
Son cerf-volant est utilisé également pour les
sondages météorologiques. Finalement, Lecornu
se décide à commercialiser son multicellulaire
au prix de 60 F.
L’auteur
de ces lignes, pour avoir fait une réplique du multicellulaire
et en avoir vu quelques autres, a du mal à comprendre
l’engouement des cerfs-volistes d’antan. S’il
est très original et beau, il est en revanche difficile
à régler et, hormis dans une plage de vent très
réduite, il vole médiocrement. Lecornu lui-même,
dès 1899, reconnaissait que l’insuffisante rigidité
du multicellulaire le rendait inapte à la photographie
aérienne et la météorologie.
En 1907, Lecornu fait à nouveau une
ascension en ballon avec sa femme et, toujours avec elle,
des vols en avion en 1910 à la deuxième semaine
de l’aviation de Caen.
Un frère de Joseph, Léon Lecornu
(1854 -1940) illustre mathématicien, avait volé
des 1908 avec Wright.
Naturellement, J. Lecornu, Président
d’honneur de la Ligue française du cerf-volant,
collabore dès 1909 au mensuel »Le cerf-volant
». Il y écrit relativement peu, mais y présente
en 1912 un curieux cerf-volant dont les ailes constituées
par un cadre recouvert d’un treillis présentent
un plan de section parabolique.
Lecornu est présent au concours de
Spa et au congrès de Boulogne/Mer , mais en tant que
sommité.
En 1914, bien qu’officier de réserve,
J. Lecornu est trop âgé pour être incorporé.
Comme nombre de cerfs-volistes il a, dès avant la guerre,
vu dans les sociétés de cerfs-volistes un moyen
de préparer la jeunesse à des fonctions militaires.
Son patriotisme actif le pousse à agir pour défendre
son pays. La voix qu’il choisit, est d’œuvrer
dans un groupe de pression en faveur de l’utilisation
des cerfs-volants d’observation dans la marine. Cette
dernière avait fait de longs essais en 1913 avec les
cerfs-volants de Saconnay. Elle avait conclu à l’inutilité
de ces appareils.
En 1917, l’Allemagne augmente le nombre
des sous-marins et met en péril les marines alliées.
L’usage des ballons d’observation Caquot lancés
des navires est, selon Lecornu, inadapté au service
en mer où leur taille immense encombre sur le pont
et en l’air offre une prise au vent qui risque de les
détruire. Les cerfs-volants Saconnay n’ayant
pas donné satisfaction, Lecornu propose d’essayer
les cerfs-volants de Pantenier et Frantzen. A l’évidence,
l’autorité maritime fait la sourde oreille. Lecornu
mobilise alors le ban et l’arrière-ban du cerf-volisme
et les amis politiciens. Il recueille ainsi le soutien de
députés, de sénateurs, de A. Batut, de
Wenz et même de Gustave Eiffel. Il fait publier deux
brochures, il écrit au ministre de la Marine une lettre
de 17 pages en faveur du cerf-volant. Peines perdues, le navires
ne seront jamais équipés de cerfs-volants. Curieusement,
ce sont des sous-marins allemands qui, lors de la seconde
guerre mondiale, utiliseront des espèces de cerfs-volants
montés pour détecter les navires alliés.
Après
la guerre, Lucien Frantzen épouse Madeleine Mancel,
belle-sœur d’un frère de J. Lecornu.
En 1930, Lecornu est président de la
section universitaire de vol à voile du Calvados. Ce
sport recueillait alors les adeptes du cerf-volant dont les
grandes heures étaient terminées.
Quelques mois avant sa mort
le 9 août 1931, Joseph Lecornu fait partie du Comité
de Patronage d’un club cerf-voliste de France. Cette
tentative de résurrection du cerf-volisme en France
sera vaine.
Outre des articles sur les cerfs-volants,
J. Lecornu a publié les livres ou fascicules suivants
:
1902 Les cerfs-volants
1903 La navigation aérienne
1910 Les cerfs-volants (édition augmentée)
1913 Manuel du cerf-voliste
1917 L’emploi des cerfs-volants montés pour la
surveillance des mers et la recherche des sous-marins.
Vers 1918 Cerfs-volants et sous-marins. Réponses aux
objections.
Remerciements
- à Messieurs C. Lecornu et H. Houdan qui ont mis à
ma disposition leurs notes de famille d’où est
extraite une grande part des informations ci-dessus.
- à Messieurs J. Germain et J. Rosières pour
les renseignements fournis.
- au service historique de la Marine à Vincennes.
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